Relève d’un rap conscient

Au mois de mai, quelques heures avant de monter sur scène, le rappeur Georgio nous a reçu dans les coulisses de Stereolux afin de répondre à nos questions. Malgré sa jeunesse, l’artiste fait preuve d’une grande maturité que l’on retrouve d’ailleurs dans ses morceaux.

 

La chanson « Appel à la révolte » est plutôt d’actualité de par son titre, notamment dans cette période électorale. Gardes-tu un œil attentif sur tout ce qu’il se passe ?

Non, pas vraiment. Je suis ça de loin, ça m’a intéressé avant le premier tour quand c’était assez fort. La politique n’a jamais été mon fort et les deux qualifiés pour le second tour ne m’intéressent pas.

Ton concert fut complet en très peu de temps. Comment ressens-tu cet engouement de ton côté ?

J’ai reçu quelques messages sur mes réseaux sociaux. Cela me fait vraiment plaisir, ça me tient à cœur de donner le meilleur de moi-même en concert. C’est un échange d’énergie, une vraie rencontre avec mon public.

Arrives-tu à rester proche de tes fans malgré ta notoriété grandissante ?

Forcément, je ne peux plus répondre à tout le monde comme je le faisais avant. Mais oui j’essaie de rester proche de par mes posts sur internet. Je me garde du temps à la fin des concerts pour rencontrer ceux qui me supportent. Échanger une photo, quelques mots, ce n’est pas grand chose mais c’est important. Il ne faut pas enlever le côté humain de la musique.
Et même si c’est incroyable ce qu’il se passe autour d’Héra, la création de Bleu Noir via le crowdfunding reste mon aventure la plus forte dans la musique. C’était épuisant, j’ai pu passer un cap pour Héra en terme de budget, tout était plus simple.

Pourquoi avoir enchaîner si rapidement Bleu Noir et Héra ?

Le changement qu’il y a au travers des morceaux c’est ce que j’ai vécu. Je savais quoi raconter, c’est ce qu’il se passait au moment même où je l’écrivais.

Qu’est-ce que tu apprécies dans le storytelling ? Comme dans les morceaux « Malik » ou plus récemment « Svetlana et Maïakovski ».

Ce que j’apprécie, c’est de pouvoir faire passer des messages en enlevant le pronom « je ». Parfois, je veux juste raconter une réalité sans émettre aucun avis, je pose une histoire. Que tu la valides ou non, c’est comme ça. Je ne prends pas parti, chacun en pense ce qu’il veut. C’est ce qui est fort dans le fait de raconter des histoires différentes de la mienne.

Tu as été nominé aux Victoires de la musique. Comment te positionnes-tu par rapport au rap « radio » qui n’est pas forcément le tien ? Y a-t-il deux mouvements dans le rap français actuel ?

Pour moi il y a plus que deux mouvements, il est devenu très large, il y en a pour tout le monde. C’est pour ça que cette musique marche bien de nos jours, elle évolue sans cesse. C’était un plaisir d’être nominé, ce n’était pas une fin en soi mais c’est une reconnaissance du milieu. J’aurais préféré gagner, on n’aime jamais perdre mais ce n’est pas un drame. La joie d’être nominé était bien plus forte que la déception de ne pas gagner.

L’an passé, tu as fait la première partie d’Oxmo Puccino lors du festival Hip Opsession en 2016. Qu’est-ce qu’il représente pour toi ?

C’est un rappeur que j’ai pas mal écouté avec Opéra Puccino, Cactus de Sibérie et L’amour est mort. C’est un mec que je respecte et que j’apprécie. Je l’ai rencontré avant de faire des scènes avec lui pour lui demander des conseils, pour avancer. C’était génial de pouvoir le rencontrer, c’est un peu comme un tonton.

Quels rappeurs t’ont influencé ?

Lino, Nakk Mendosa et Hugo du TSR avec son album Flaque de samples.
Après j’ai écouté Flynt, la Mafia K’1 Fry, Nessbeal, Dissident. J’aime bien l’école du 18ème arrondissement et celle du 94 (Val de Marne).

Y a-t-il une date plus importante pour toi sur ce « Héra Tour »?

Il y a des dates avec lesquelles j’ai des rapports sentimentaux parce que des proches y habitent ou parce que j’ai vécu là-bas ou simplement passé du temps.
L’Olympia forcément car c’est une salle myhtique.
Chaque concert est important et chaque concert est différent surtout. Le public ne réagit pas de la même manière sur les morceaux.

Aimes-tu jouer en festival ?

Carrément !
Tu joues juste un peu moins longtemps et tu choisis les bons morceaux. Les gens ne te connaissent pas tous, c’est intéressant. Tu rencontres plein d’artistes, tu peux aller voir des concerts, c’est vraiment sympa.

Quel album écoutes-tu le plus en ce moment ?

L’album de King Krule : 6 Feet Beneath the Moon. C’est un peu dans l’esprit de Joy Division. Du rock anglais.

As-tu une routine d’avant-concert ?

Je me mets dans mon concert 30 minutes avant, je reste dans ma loge avec mon équipe. Je suis avec les gars avec qui je monte sur scène ainsi que ceux avec qui on bosse : l’ingé-son, l’ingé-lumière et le régisseur. On reste entre nous.

Un mot pour ceux qui viennent te voir en concert ?

Prenez soin de vous. Donnez vous à fond en concert. Transpirez. Suez. Criez. Dansez. Chantez. Profitez des instants de vie !

 

Propos recueillis par Alban Chainon-Crossouard en mai 2017
© N’Kruma